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Introduction : le héros invisible

Messieurs-dames les politiques,
Dans vos discours, vous parlez de “jeunesse à protéger”, d’“avenir de la nation”, de “cohésion sociale”.

Mais savez-vous qui porte concrètement cet avenir sur ses épaules, sans projecteurs ni tapis rouge ?Les parents solos. Pas seulement les mamans – qui représentent la grande majorité mais aussi les papas, trop souvent invisibles dans le débat public. Tous vivent la même transformation : ils ne sont plus des individus, ils deviennent des systèmes à eux seuls.


1. Le parent solo, une multinationale sans actionnaires

Le parent solo, c’est une multinationale à taille humaine. Il en est le PDG, le salarié, le service après-vente et même la vigile de nuit.

  • La mère : soins, éducation, protection, amour.

  • Le père : autorité, cadre, soutien financier, bricolage de dernière minute.

  • Le ministre des Finances : budget, urgences, arbitrages plus serrés que vos lois de finances.

  • L’administration centrale : formulaires, dossiers scolaires, médecins, institutions sociales.

  • Le psychologue improvisé : oreille, réconfort, thérapeute maison.

  • Le service des relations extérieures : affronter le regard de la société, éviter l’isolement, défendre la légitimité de sa famille.

Le parent solo est un État à lui tout seul. Mais à la différence d’un État, il n’a ni plan de relance, ni réserve stratégique, ni coalition de secours.


On croit que la charge mentale, c’est être “fatigué”. Non.
C’est une reprogrammation du cerveau. Chez le parent solo :

2. La charge mentale : pas qu’une fatigue, une reprogrammation

  • penser, anticiper, organiser deviennent une seconde peau,

  • le cerveau fonctionne en mode survie, comme un tableau de bord allumé 24h/24,

  • même dans le sommeil, l’esprit additionne, planifie, calcule.

Conséquences :

  • un stress chronique devenu état normal,

  • une hyper-vigilance qui use les nerfs,

  • un épuisement cognitif menant au burn-out parental,

  • la perte progressive de l’identité : la femme ou l’homme disparaît derrière le parent.


3. Quand la femme disparaît, quand l’homme s’efface

Le drame silencieux de la monoparentalité, c’est la disparition de l’humain derrière le rôle. La maman solo n’est plus reconnue comme femme avec ses désirs, ses rêves, sa vie intime. Elle devient une “machine à tenir debout la famille”.
Le papa solo n’est plus perçu comme un homme, mais comme une anomalie, un “cas particulier” obligé de prouver sans cesse sa légitimité. Dans les deux cas, l’individu s’efface, le système prend toute la place.


4. Pas d’économie circulaire chez les parents solos

Qu’on ne nous parle pas d’“économie circulaire”. Ici, rien ne circule. Le parent solo donne : son temps, son énergie, sa santé, ses rêves.
La société prend : des enfants éduqués, citoyens en devenir. Et le retour ? Zéro.
C’est une économie à sens unique, où le don ne reçoit aucun soin en retour.


5. Le grand déni national

Pendant ce temps, on applaudit de loin.
On lance quelques aides symboliques, mal adaptées.
Puis, chaque 21 juillet ou 14 juillet, on sort les drapeaux, on chante l’hymne, on parle de pays “lumineux” et “plein d’avenir”.Mais derrière les paillettes, il y a une vérité : notre avenir collectif repose sur les épaules fatiguées des parents solos, que nous continuons d’ignorer.


6. Les solutions : pas des pansements, une refonte

Assez de discours creux. Il est temps d’agir.

  • Reconnaissance institutionnelle : un vrai statut de parent solo, clair et protecteur.

  • Soutiens financiers adaptés : parce que la fin du mois ne se règle pas avec des belles phrases.

  • Accompagnement psychologique : pour prévenir le burn-out parental.

  • Réseaux de solidarité : pour briser l’isolement et partager la charge.

  • Espaces de respiration : pour que le parent redevienne femme ou homme, sans culpabilité.


Conclusion : un pays éclairé ou un pays qui s’éteint ?

Le parent solo n’est pas une exception marginale : c’est une figure centrale de notre société moderne. Un État qui ne prend pas soin de ses parents solos choisit de marcher vers les ténèbres.
Un État qui les reconnaît et les soutient fait le choix de la lumière – celle qui éclaire le présent, mais surtout l’avenir de ses enfants. Les parents solos sont les héros invisibles de nos nations. La vraie question est : voulons-nous continuer à les laisser s’épuiser en silence, ou aurons-nous enfin le courage politique de bâtir un pays à la hauteur de leur sacrifice ?

Amina Nsenga Présidente et Fondatrice de Mamans Soloeotop Asbl, initiatrice de la Journée Mondiale du Parent Solo et du Sommet de la Maman Solo